La théorie de l’utilisation progressiste (TUP), comme son nom l’indique, est une théorie inspirée du concept d’utilisation progressiste.
Toutes les sciences et philosophies reconnaissent la nature mobile de chaque entité de cet univers. Ce mouvement est significatif seulement lorsqu’un but ou une direction sont présents. Le progrès signifie donc l’avancée vers un but. Dans la philosophie de la TUP, le progrès s’explique mieux à l’aide du mot Sanskrit pragati qui veut dire un mouvement bien dirigé. En effet, pour la TUP, le progrès est un mouvement dirigé vers le but du bien-être de tous. Le terme « progressiste » dans le sens tupiste, décrirait donc toutes choses favorables au bien-être universel.
Ceci s’oppose à l’emploi usuel du mot progrès, qui est le plus souvent associé à un accroissement du confort matériel, ou de la sophistication technologique. Par exemple, prendre l’avion au lieu des roulottes bâchées d’antan est appelé progrès. Mais une analyse plus fine dévoilera que dans le monde matériel, toute avance en plaisir et en confort, comporte aussi son côté négatif, avec ses difficultés et effets secondaires.
Ainsi, des technologies qui rendent la vie plus confortable, peuvent d’un autre côté avoir des conséquences néfastes sur l’environnement. L’énergie nucléaire, les automobiles, le plastique et bien d’autres avancées scientifiques se sont avéré des cadeaux empoisonnés. Ceci est dû à la nature du monde matériel qui se caractérise par la loi de cause et effet. Ainsi, même la plus apparemment progressiste des découvertes scientifiques n’est pas dépourvue de ramifications négatives. Cela ne veut pas dire qu’il faut stopper tous les efforts à ce niveau; simplement, il est nécessaire de reconnaître que le véritable progrès ne peut se réaliser dans le seul domaine physique, toute avancée étant automatiquement couplée avec des problèmes correspondants.
Dans le monde psychique ou intellectuel, nous trouvons aussi qu’un accroissement de l’activité mentale et des connaissances s’accompagne souvent de souffrances mentales, due à une augmentation des contradictions internes. On observe que parmi les intellectuels et la population urbaine éduquée, les maladies mentales et l’insanité sont beaucoup plus fréquentes que parmi des villageois sans éducation. L’augmentation du développement intellectuel favorise l’apparition de nouveaux types de maladies, particulièrement dans une société déséquilibrée ou matérialiste. Il est donc difficile d’affirmer que le véritable progrès peut arriver par le seul développement intellectuel.
Le domaine spirituel lui, se préoccupe uniquement de relier le fini avec l’infini. Un mouvement ou un progrès dans ce domaine ne s’accompagne pas d’un mouvement opposé, mais est purement en sens unique. Car c’est le but même du mouvement dans le domaine spirituel que de résoudre les contradictions. L’absence de contradictions permet une expansion mentale vers un état d’équilibre parfait. Dans cet d’équilibre parfait, on ressent une grande paix intérieure et une véritable joie. Les êtres humains recherchent sans cesse cet état mental. Ce niveau de conscience se situe au-delà des joies et des peines qui caractérisent un esprit attaché au monde physico-psychique. « Spiritualité » signifie donc tous les efforts de l’humanité pour atteindre cet état d’extase. C’est pourquoi, pour la TUP, toutes les actions et les idées qui conduisent à cet état d’unité sont considérés comme progressistes. En fait, c’est seulement à ce niveau spirituel que le véritable progrès peut s’accomplir. Ceci arrive chaque fois que l’on modifie l’objet de notre attention mentale depuis les choses extérieures vers le soi intérieur. Cet état, ressenti au plus profond du cœur, est consciemment ou non, la source de toutes nos inspirations et aspirations.
Si le vrai progrès ne peut se réaliser que dans le domaine spirituel, est-il nécessaire pour les êtres humains de se préoccuper des mondes matériels et mentaux? Devrions-nous éviter les poursuites matérielles et nous retirer dans des grottes de montagnes ou des monastères isolés? Vu l’état du monde aujourd’hui, une telle attitude ne serait qu’une fuite devant la réalité, qui n’a rien à voir avec le développement de la spiritualité. Puisque l’existence des êtres humains a lieu aux trois niveaux – physique, mental et spirituel – de sincères efforts pour développer tous les niveaux sont requis. D’un autre côté, à la fois un corps et une psyché humaine sont indispensables pour tout progrès spirituel. Corps et esprit, dépendent à leur tour d’un environnement permettant leur survie et leur développement. Donc, tout en conservant un but spirituel dans notre vie, nous devons nous occuper de maintenir et d’ajuster nos environnements physiques et psychiques de façon progressiste – pour qu’ils permettent notre avancée spirituelle.
De la même façon, la théorie de la TUP reconnaît l’importance des ajustements continuels dans les systèmes politiques, économiques et sociaux, pour cultiver pleinement toutes les potentialités psychiques et spirituelles de l’humanité. Alors que les principes fondamentaux de la TUP sont basés sur une philosophie éternelle, son application et ses règles doivent être changées en fonction des besoins de l’époque, du lieu, et des populations. Cet élément d’adaptabilité de la TUP, la protégera contre les dangers du dogmatisme. Cette liberté vis à vis des dogmes est en elle-même un signe de progrès, car les dogmes empêchent l’esprit de se développer et de se réaliser.
« Utilisation » est le deuxième mot clef de la TUP. Il s’agit de l’utilisation des choses qui ont la capacité de satisfaire les besoins humains et d’engendrer un développement matériel, mental et spirituel. La satisfaction des besoins humains devient donc le but principal de l’activité économique. C’est ici la différence fondamentale entre le système tupiste, et le système capitaliste actuel. Tout le monde sait que les sociétés commerciales font des affaires pour maximiser leurs bénéfices. Une entreprise qui n’appliquerait pas cette règle d’or se verrait immédiatement privée du soutien des actionnaires ou des banques. Pour la TUP cependant, la règle d’or est de satisfaire les besoins et de promouvoir le développement intégral de tous les êtres vivants. C’est pourquoi l’analyse tupiste des différentes variables de l’économie se fera dans la ligne de leur utilisation progressiste pour le bien-être collectif – et non dans la ligne de leur capacité à créer un profit maximum pour les tenants du capital.
Ce fut Karl Marx qui le premier analysa le concept de « valeur marchande » exposant sa double nature – « valeur utilitaire » et « valeur d’échange ». Il prit aussi la peine d’analyser et de décrire les différences et relations entre les deux valeurs. Il conclut que le mode de production capitaliste se base sur le calcul de la valeur d’échange, la valeur utilitaire restant secondaire. Une économie tupiste prendrait l’approche inverse et regarderait surtout et avant tout la valeur utilitaire. Dans ce système conçu pour la satisfaction des besoins humains, l’établissement d’industries non-rentables pourrait se justifier, par exemple quand elles apportent des bienfaits à long terme à la population.
Enfin, penchons-nous maintenant sur le concept tupiste de « théorie ». Nous sommes entourés par une grande diversité de théories. Constructions mentales, elles possèdent et parfois ne possèdent pas de valeur pratique. Alors que certaines ne sont que des extravagances intellectuelles, d’autres ont une certaine valeur au sein d’un environnement particulier. D’autres sont apparemment bien construites mais leur application se révèlent un fiasco total. La TUP de son côté, n’est pas une création intellectuelle. Ses principes éternels se fondent sur une intuition spirituelle, alors que son application varie en fonction des problèmes et des besoins de chaque localité à une époque donnée. En conclusion, le mouvement tupiste prend naissance dans la volonté d’apporter à tous rationalité et justice sociale, autrement dit, de ressourcer l’activité humaine dans nos aspirations spirituelles.