Les cinq principes fondamentaux de la Théorie de l’utilisation progressiste

La Théorie de l’Utilisation Progressiste, comme nous l’avons vu précédemment est l’intégration d’une conception unique du potentiel humain, d’une dynamique de l’histoire et des classes, et d’un vaste ensemble de recommandations sociales, politiques et économiques. Malgré la grande portée de la TUP, on peut en résumer l’essence en quelques principes de base. Shrii Sarkar, l’auteur de la théorie, la résuma en seize principes, dont cinq sont considérés comme les plus fondamentaux. Ils incarnent l’approche multidimensionnelle de la TUP avec sa prise en compte des besoins physiques, mentaux et spirituels des individus et de la société dans son ensemble.

1) On ne devrait autoriser quiconque à accumuler des biens matériels sans la permission explicite ou l’approbation du corps collectif.

Cette déclaration comprend plusieurs points. Pour commencer il affirme le caractère collectif de la propriété, laissant à l’individu le seul droit d’usage. La société devrait avoir le droit de déterminer quel niveau de propriété privée sera autorisé. Il s’agit d’éviter toute suraccumulation de biens qui priverait d’autres personnes. La mauvaise utilisation de ressource ou de richesse par un individu a aussi des effets dommageables sur la collectivité, dont le moindre est un ralentissement de la croissance. C’est pourquoi on ne peut considérer le droit d’accumulation comme irrévocable. La volonté de liberté individuelle dans la sphère économique doit être contrebalancée par la nécessité de bien-être collectif. Cela réfute la notion de base du capitalisme qui autorise une liberté d’accumulation individuelle virtuellement illimitée. Cela réfute également la théorie communiste qui prescrit un salaire égal pour tous, sans tenir compte du travail ou du mérite. Dans la philosophie tupiste, l’uniformité de richesse est considérée comme idéaliste et non psychologique, mais on doit éviter tout aussi bien l’accumulation non contrôlée.

Une des implications de ce principe est que la notion même de propriété dépendrait considérablement de la psychologie collective. Par exemple, le concept de propriété de la société occidentale est à l’opposé de celui de certaines sociétés tribales et de telles différences abondent sur la planète. Essentiellement ce premier principe de la TUP veille à ce que la propriété privée reste un facteur de bien-être collectif. Notez qu’aucun mécanisme de détermination de la propriété n’est mentionné, car de telles méthodes ne sont pas absolues – seul le principe général reste inchangé.

Ce principe est à la base de la politique de démocratie économique poursuivie par la TUP (définie dans le chapitre trois), car seule une approche démocratique de l’utilisation des ressources est en accord avec la notion de propriété collective.

2) Il devrait y avoir une utilisation maximum et une distribution rationnelle de toutes les potentialités terrestres, supraterrestres et spirituelles de l’univers.

Cette affirmation présuppose l’existence d’autres ressources plus subtiles que les matérielles et réclame l’utilisation totale et la distribution rationnelle de toutes ces ressources. Pour une utilisation maximum des ressources physiques, il est nécessaire de bien évaluer les potentialités du monde matériel en lançant des recherches scientifiques sur ce sujet. Qui aurait imaginé le potentiel énergétique de l’atome quelques décades avant la découverte de l’énergie atomique, et ce, que l’on apprécie ou non l’usage fait de cette découverte ? Nous nous devons d’inventer de nouvelles et meilleures façons d’utiliser nos ressources limitées qui seraient à la fois efficaces et respectueuses de l’environnement. La découverte de méthodes alternatives d’utilisation (tel que l’usage médicinal des plantes), augmentera le niveau de vie.

Pourtant c’est la distribution de la richesse qui est le facteur principal décidant du niveau de vie de la population. Il est donc primordial de distribuer la richesse rationnellement. Il existe bien sûr maintes opinions sur ce que l’on considère rationnel mais l’abondon de l’économie de profit pour une économie de besoins contribuera beaucoup à une distribution plus rationnelle (et plus équitable) des biens. Ce principe de la TUP est la base philosophique de l’idée de minimum vital garanti. Sa mise en œuvre se fait en créant des emplois dans ces industries produisant les biens et services nécessaires à la population, en s’assurant que les emplois ainsi créés génèrent assez de pouvoir d’achat pour acquérir le minimum vital.

La distribution rationnelle, contrairement à la distribution égalitaire, n’est pas opposée à la prise en compte de besoins spéciaux et à  la rétribution  d’un talent  particulier. L’idée de donner à tous un maximum d’équipement et de confort dérive de ce principe. En fait la plupart des concepts de l’économie tupiste sont basés sur l’idéal d’utilisation maximum et de distribution rationnelle – y compris les coopératives, la décentralisation, etc. Les idées tupistes sur l’agriculture y sont aussi reliées.

L’inclusion  des ressources supraterrestres et spirituelles  dans l’utilisation maximum et la distribution rationnelle équivaut à reconnaître l’existence de plans plus élevés. Comme exemple d’utilisation supraterrestre, on peut citer l’utilisation des arts pour le développement des qualités mentales subtiles. Il faut  de même développer les potentialités supraterrestres et spirituelles les plus élevées (l’auteur détaille ses vues sur ce sujet dans d’autres ouvrages sur les microvita, la psychologie du yoga etc.). Bien que cela soit difficile à imaginer, Sarkar pense que dans le futur, il sera possible d’utiliser ces ressources pour le bien-être collectif, et que l’on devra utiliser la même approche que pour les ressources physiques. Cette utilisation des ressources les plus subtiles demande une recherche systématique sur la nature même de la conscience.

3) Il devrait y avoir une utilisation maximum des potentialités physiques, métaphysiques, et spirituelles des entités individuelles et collectives de la société humaine.

Le second principe porte sur l’utilisation du monde objectif, grossier ou subtil, alors que ce principe parle de mettre à contribution le potentiel humain dans les sphères physiques, métaphysiques, et spirituelles. Ici, il est tout aussi important de développer les potentialités individuelles que collectives, car les deux sont inexorablement liées. Pour cela, il faut utiliser de manière constructive les potentialités physiques, intellectuelles et spirituelles des individus, et faire tous les efforts pour leur développement intégral. De même nous devrions mettre  à contribution la force collective de différents groupes chaque fois que les circonstances le permettent. Quant à ceux qui possèdent un talent hors du commun, il faut leur donner d’amples moyens d’exprimer leur qualité et leur créativité, tout en s’efforçant de développer le potentiel inné de tous.

Tant que les gens vivent dans la peur du lendemain et l’insécurité économique le développement de leurs potentialités est entravé. Mais si le système leur garanti un revenu suffisant  pour faire face aux nécessités les plus pressantes, ils connaissent  alors un minimum de confort mental qui est le préalable essentiel à toute quête psychique ou spirituelle. Ici l’éducation et la formation jouent un rôle primordial, et elles doivent être gratuites et accessibles à tous. Le lieu de travail pourrait par exemple devenir un lieu  d’apprentissage et d’utilisation créative de nouveaux talents. Le développement du psychisme collectif dépend  totalement du développement des différents psychismes individuels. L’effort pour développer le psychisme collectif se fera donc surtout au niveau éducatif: développement de la conscience socio-économique, de l’éthique, de l’esprit d’entraide, de la solidarité et de la spiritualité. La plupart des idées socioculturelles de la TUP – éducation, langage, et arts – découlent de ce principe fondamental.

4) Il devrait y avoir un bon ajustement entre ces utilisations physiques, métaphysiques, terrestres, supraterrestres et spirituelles.

Ce principe affirme que l’application des deux principes précédents doit se faire de manière équilibrée. En d’autres mots, on ne peut favoriser l’une des potentialités au détriment des autres, sous peine de déséquilibre et dégénérescence sociale. En effet, c’est seulement par des encouragements et des défis à tous les niveaux que l’on peut empêcher l’inaction, la paresse et la léthargie de se développer. Par exemple, il vaut mieux satisfaire les besoins essentiels de la population en assurant leur pouvoir d’achat par un partage du travail, que par un système d’allocations qui serait à la fois peu pratique et peu générateur d’initiative.

L’idée d’ajustement correct s’applique également au rôle des individus dans la société que l’on doit déterminer de façon équilibrée. En règle générale, il est faudrait essayer de donner à chaque personne une occupation qui lui est agréable et qui lui convient et donc de tenir compte de ses talents et intérêts. C’est un fait reconnu que les qualités intellectuelles et artistiques sont comparativement plus rares que le savoir-faire manuel, alors que la sagesse spirituelle est un don encore plus rare. Ici l’approche équilibrée est que la société réclame moins d’aide matérielle de quelqu’un qui contribue déjà intellectuellement ou spirituellement. Pour Shrii Sarkar les vrais leaders sont ceux qui ont développé les trois aspects de leur personnalité, et qui possèdent des qualités physiques et spirituelles en plus de leur faculté intellectuelle.

Le concept des six facteurs de santé sociale (bhati) est aussi très inspiré de ce principe (voir chapitre un). Tout comme les concepts de master unit et de samaj qui intègrent harmonieusement de nombreux aspects de la vie.

5) La méthode d’utilisation devrait varier selon l’époque, l’endroit et les individus, et sa nature devrait être progressiste.

Ce principe encourage une recherche continuelle de nouvelles et meilleures méthodes d’utilisation, tirant parti du développement scientifique et humain, et prenant en compte les changements de psychologie, d’environnement, etc… Par exemple, il est important, pour maximaliser l’utilisation, de trouver d’autres manières d’exploiter l’énergie du travail manuel, et du même coup, d’augmenter le rendement. Ce gain de productivité devrait cependant se traduire par une réduction du temps de travail et non par des licenciements.

Quelle que soit la mesure que l’on prenne, économique, sociale ou politique, il faut s’assurer qu’elle soit la plus progressiste et humanitaire possible, c’est à dire qu’elle réponde aux véritables attentes des gens.

C’est aussi le rôle de cet idéal progressiste que de guider la recherche scientifique et tout  préjugé antitechnologie ne ferait que s’opposer au développement humain. Certains pensent que l’impact environnemental de la technologie est tel qu’une poursuite du développement finira par détruire l’équilibre écologique. Il faut pourtant comprendre que cet ordre des choses est la conséquence directe d’un usage réactionnaire de la science. A l’opposé, une science d’inspiration progressiste s’efforcerait d’évaluer et d’atténuer l’impact environnemental des technologies nouvelles.

Pou accroître l’utilisation progressiste des potentialités mentales, on pourrait par exemple développer l’informatique personnelle, les arts et la philosophie, et toute méthode alternative d’éducation. L’utilisation progressiste des sphères les plus élevées requiert des techniques de réalisation du soi et une exploitation systématique de l’inspiration spirituelle, du pouvoir transformateur des individus réalisés. Comme le résume Shrii Sarkar, « C’est par un combat constant que la société avancera vers la victoire, vers son accomplissement total.  » (Ananda Sutram).