La société humaine s’entend comme le mouvement collectif et la croissance de tous les individus – le développement et l’expression des potentialités individuelles et collectives. La société est donc bien plus qu’un ensemble d’individus; elle comprend aussi un certain degré de conscience collective qui sert de force de cohésion sociale. Selon la TUP, l’existence et la santé de la société humaine dépend de trois facteurs dénommés asti en Sanskrit. Ce sont l’unité sociale, la sécurité et la paix.
L’unité sociale
Le degré d’unité sociale est lui-même dépendant de certains facteurs clefs: un idéal commun, une absence de stratification sociale (une société sans classes), des cérémonies sociales collectives, et l’absence de peine de mort.
L’idéal commun : c’est seulement sous son inspiration que les peuples peuvent avancer ensemble, surmontant toutes les difficultés et obstacles. Sans cet idéal, leur mouvement est contrecarré et aléatoire. Les groupes historiques – qu’ils soient d’ancien clans, des empires médiévaux, ou des nations-états modernes – se sont tous basés sur des idéaux et des sentiments communs pour forger et préserver l’unité sociale. Beaucoup de ces idéaux communs sont positifs, mais de nombreux dérapages se sont produits, donnant naissance à de multiples « -ismes », qui ont souvent divisé l’humanité en groupes belligérants. Par exemple, au cours de l’histoire contemporaine, le patriotisme des nations états s’est souvent exacerbé en nationalisme, racisme et impérialisme. Heureusement, de tels systèmes de valeurs se sont vite démodés. Car les deux guerres mondiales, les excès de l’impérialisme et l’exploitation du capitalisme global, ont clairement démontré la nécessité de développer un idéal commun au monde entier, et de réaliser que notre terre est peuplée par une société humaine unique. Les étroits sentiments de groupes du passé, y compris le racisme, le nationalisme et l’élitisme de classe doivent être surpassés pour achever une plus grande unité sociale.
Philosophiquement, le seul idéal capable de tout unifier est la fusion de l’identité individuelle avec l’identité cosmique. Ce véritable sentiment universel ne peut s’atteindre qu’en offrant chacune de nos actions à l’entité suprême. Partageant un même sentiment, une même quête spirituelle, tous les individus ou peuples pourront avancer vers une plus grande unité.
Une société sans classes : L’être humain possède un lien d’amour et d’affection naturel pour ses semblables, et ce tendre lien devrait être fortifié. Le concept d’égalité fondamentale de tous les êtres humains est dénommé « sama samaja tattva » en Sanskrit. Ce principe d’égalité sociale devrait être à la base de la société humaine. Il est essentiel à la promotion de l’unité sociale.
Bien sûr, même au sein d’une structure sociale idéale, il y aurait toujours une infinité de différences d’opinions, d’occupations, et d’apparence, la diversité étant la loi de la nature. Mais cette diversité qui fait la beauté et la force de notre culture humaine, ne devrait pas devenir le prétexte pour créer une structure sociale d’exclusion et d’injustice. Mettre l’accent sur les différences apparentes et diviser les gens par la promotion de sentiments étroits et irrationnels nuit à la croissance de la société, en l’affaiblissant et la divisant. Toutes les idées de division basées sur le sexe, la race, la classe, la religion, etc., sont les fabrications de dirigeants ambitieux qui veulent affaiblir la psychologie sociale pour diviser et conquérir. L’éducation, ainsi qu’une fortification de l’esprit, sont requises pour venir à bout de tels sentiments.
Cérémonies sociales : c’est dans nos cérémonies sociales courantes, les festivals, les rassemblements, etc., que le tissu social se forme, et que les gens apprennent à s’apprécier mutuellement. Ces cérémonies créent un sens de communauté qui est nécessaire pour faire face collectivement aux difficultés quotidiennes. Elles sont aussi l’occasion d’expressions culturelles ou artistiques.
L’absence de peine capitale : il n’est pas moral pour la société de légaliser le meurtre-punition. Cette justification de la tuerie crée un déséquilibre psychique parmi la population. Du point de vue social, chaque membre de la société exécuté laisse derrière lui un mari ou une épouse, des parents, amis, etc., que cette mesure pousse dans l’exclusion et l’insatisfaction. Leur amertume et leur douleur (qu’ils aient ou non participé au crime), sape l’unité de la société. Cette situation peut même empirer lorsque le racisme ou la domination de classe entrent en jeu. De façon similaire, l’ostracisme social (création de « parias », individus rejetés de façon permanente) est une forme de peine capitale à un niveau psychologique, qui a aussi des répercussions négatives. C’est la raison pour laquelle la TUP recommande que l’éducation et la réhabilitation – plutôt que la punition – soient placées au centre du système de justice criminel.
Sécurité
Pour assurer l’existence des êtres humains et le développement de leurs potentialités physiques, psychiques et spirituelles, une sécurité sociale et économique est nécessaire. Cette sécurité dépend tout d’abord de deux facteurs: la justice sociale et la discipline.
La justice sociale : de nombreux facteurs d’insécurité pourront être éliminés lorsque la formation de l’unité sociale sera prioritaire. Quand cette priorité s’accompagnera d’un effort réel pour garantir à tous la possibilité de satisfaire leurs besoins vitaux, et ceci de façon humaine et rationnelle, nous aurons la base du système tupiste de justice sociale. Les tupistes feront de gros efforts pour purifier la société de toutes ses pratiques injustes et de l’exploitation. En conséquence le bien-être, la créativité et la productivité de chacun s’en trouveront grandement renforcés, fortifiant à son tour l’ensemble de la société. Le système économique de la TUP est contenu dans ce concept de justice sociale.
Discipline : Un code de conduite bien équilibré et acceptable est nécessaire à la fois pour les individus et pour la collectivité parce qu’il diminue les conflits d’intérêts. Toutes les sociétés ont un code social, comme les standards de courtoisie, les règles et les lois. Ils aident à créer un environnement et des attitudes favorisant le respect mutuel et les interactions. Ils permettent aussi une certaine liberté d’expression qui s’arrête quand notre comportement interfère avec les droits fondamentaux des autres. Le manque de discipline individuelle ou collective peut engendrer une détérioration sociale, car la poursuite effrénée des désirs personnels, la cupidité et l’immoralité érodent l’unité. Ainsi, les riches et les puissants maintiennent leurs styles de vie au détriment des faibles. En fait, la pauvreté se développe de façon proportionnelle à la concentration des richesses dans quelques mains privilégiées. Car, bien que les ressources de la Terre soient limitées, il n’y a pas de limites aux désirs égoïstes et à l’avidité. Donc, sans un puissant code commun de discipline, basé sur des valeurs universelles, la société ne peut que dégénérer en meute de loups. Nous éviterons ainsi de tomber dans le « darwinisme » social, qui justifie l’exploitation des faibles et des pauvres par les riches et les puissants.
D’un autre côté, un code de conduite trop répressif ou trop permissif, qui ne prendrait pas en compte la psychologie humaine, aura toujours des résultats désastreux. En effet, la discipline doit s’accorder à la nature et aux aspirations subtiles des êtres humains. Par exemple, une discipline mécanique de type militaire, ou une discipline réprimant la nature humaine, ne peut s’appliquer à l’ensemble de la société. L’hédonisme des temps modernes apparu en réaction aux manières et croyances répressives de l’époque victorienne. En Union Soviétique, seulement l’omniprésence de la police secrète put assurer des comportements socialement acceptables – faisant de la vie un cauchemar répressif, et finalement détruisant ce même système depuis l’intérieur.
La discipline dans la vie sociale doit se développer à partir d’un code de conduite en harmonie avec la nature physico-psycho-spirituelle des êtres humains, et doit s’adapter aux besoins des différentes générations et cultures. L’amour de la discipline devrait être inculqué à tous les enfants. C’est seulement à ce prix que la liberté sociale et individuelle pourra être réalisée. En outre une telle discipline personnelle facilitera immensément l’utilisation de nos facultés mentales les plus élevées.
La paix
La guerre est un des grands fléaux de l’histoire humaine. La société humaine prospère en temps de paix, mais elle est détruite en temps de guerre. La guerre replonge les êtres humains dans la lutte animale pour la survie, et fait ressortir tous les instincts primaires, occasionnant des souffrances inouïes.
Il y a deux sortes de paix. Tout d’abord la paix « sensible », pendant laquelle prédominent les forces d’unité, de justice et la lumière de la rationalité. La paix « statique » au contraire est la domination de l’oppression, des forces d’exploitation et de l’ignorance. Les bienfaiteurs de l’humanité ne peuvent reculer devant la lutte pour établir la paix sensible. Car c’est seulement en combattant les forces d’ignorance et d’exploitation qu’une paix sensible durable peut être établie.
Pour cela deux facteurs sont importants : des pratiques spirituelles scientifiques et la lutte contre les dogmes. Par des pratiques spirituelles (régime correct, postures de yoga, moralité, service désintéressé, méditation et dévotion), l’égoïsme et les désirs matériels sont convertis en formes de pensées plus élevées et en conscience, ce qui diminue les conflits pour l’obtention des richesses limitées de notre planète. Car le cœur s’élargit au fur et à mesure que l’on découvre son potentiel inné.
La lutte contre les superstitions irrationnelles et les dogmes, établit les êtres humains dans la rationalité. Dans le passé, beaucoup de sang a coulé à cause de certains de ces dogmes. Par exemple, le conflit entre deux écoles de chrétienté a plongé la plus grande partie de l’Europe centrale dans trente ans de destruction complète. En Amérique, les colons européens, imbus d’un complexe de supériorité raciale, ont asservis les africains et ont décimé les populations natives d’Amérique. Ironiquement, tout cela s’est déroulé sous une constitution professant la liberté et l’égalité de tous. La rationalité encourage les discussions et les conflits idéologiques, mais elle a horreur des cruautés de la guerre et des destructions. Pour établir une paix sensible, la largesse d’esprit doit être encouragée, et le sentiment universel doit inspirer le cœur de tous. Pour arriver à ce résultat, certaines conditions sont nécessaires.
Tout d’abord, nous devons nous efforcer de développer une philosophie de la vie qui soit commune à tous. Ici, il ne s’agit ni de l’adoption d’un ensemble de dogmes, ni de la limitation des différences idéologiques. Il s’agit plutôt de l’acceptation de valeurs universelles profondément ancrées dans la rationalité.
Le développement d’une constitution pour tous les peuples et pour toutes les nations, particulièrement une déclaration des droits de l’homme, est également indispensable. Cette constitution devrait s’inspirer du meilleur de chaque constitution existante, et devrait être ratifiée par tous les gouvernements nationaux. Ceci permettra une plus grande protection des minorités, et sera le premier pas vers la formation d’un gouvernement mondial muni de pouvoirs législatifs.
Tout aussi important est la création d’un code pénal commun à toutes nations, basé principalement sur les droits de l’homme (définis par la constitution commune), plutôt que sur de l’appréciation locale du vice et de la vertu.
Enfin, une production, un approvisionnement, ainsi qu’un pouvoir d’achat adéquat devraient être garantis pour que tous soient en position d’acquérir les besoins vitaux minimums. Cela non seulement assurera la sécurité de chacun à un niveau existentiel, mais aussi libérera l’immense énergie psychique actuellement bloquée par la peur, l’insécurité, et la lutte pour la survie. Cette énergie mentale pourra être utilisée pour le bien-être et le développement des individus dans toutes les sphères de la vie, et un pas de géant dans la qualité de la vie sociale pourra être achevé.