Aujourd’hui, dans la plus grande partie du monde, les gens considèrent la démocratie comme le meilleur système de gouvernement. Mais qu’entendons-nous exactement par démocratie? Généralement, elle est appréhendée comme un système capable de libérer les masses. En effet, dans ce système politique, chaque citoyen a le droit d’élire le représentant politique qui protégera au mieux ses intérêts. Pourtant une démocratie digne de ce nom devrait aller beaucoup plus loin que cela. En effet, pour arriver à une véritable autodétermination et à la sécurité économique, le concept de démocratie devrait être élargi pour inclure la « démocratie économique ».
La démocratie politique a certes apporté le droit de vote. Mais quelle est l’utilité pratique d’un tel droit? Dans certains pays démocratiques, tels les Etats-Unis, nombre de votants ont perdu toutes leurs illusions quant aux choix qui leurs sont offerts, et ne prennent même plus la peine de voter. Quant à ceux qui votent, ils n’étudient généralement pas les solutions proposées, mais au contraire, basent leur choix d’un candidat sur son affiliation politique, l’efficacité de sa campagne publicitaire, ou d’autres considérations non pertinentes pour la sélection du meilleur candidat. Différents intérêts financiers et politiques rendent les médias incapables de dépeindre les problèmes majeurs de la société. Ainsi, dans la plupart des cas, la démocratie politique donne à chacun l’illusion d’être un peu au contrôle de son avenir. Pourtant, le vrai pouvoir reste dans les mains des puissants et des riches, qui placent leurs intérêts bien avant ceux de la majorité. Le choix que les américains font entre deux principaux partis politiques, est un choix entre deux partis au service des mêmes maîtres. Après avoir mis l’un des deux au pouvoir, les gens s’assoient et regardent avec désarroi la structure au pouvoir prendre des décisions allant à l’encontre de leurs intérêts et de leurs moyens de subsistance. Même lorsque des décisions sont prises en faveur de la majorité, les allocations résultantes ne sont jamais suffisantes pour améliorer les conditions de vie ou modifier la distribution des richesses.
L’idée sous-jacente de la démocratie économique est que nul ne devrait subir l’exploitation de ceux qui contrôlent le capital. Sur le plan politique, la démocratie a apporté un certain degré de liberté et de choix; mais sur le plan économique, peu de choses ont changé depuis l’époque féodale. Les travailleurs sont toujours forcés par la nécessité de travailler pour ceux qui contrôlent les ressources et le capital. Ils n’ont qu’un droit, celui de démissionner. Et bien qu’ils fassent tout le travail, ils ne peuvent pas participer à la direction de l’entreprise, et reçoivent rarement une part du profit. Les possédants du capital, en jouant sur la pression des circonstances, s’attachent par la force les services de tous, et ceci est considéré comme parfaitement naturel. Pourtant, le système libre-échangiste est supposé éviter un tel problème, en créant une compétition suffisante pour que les employeurs rendent le travail attrayant. La réalité est malheureusement bien différente pour les travailleurs, qui sont de plus en plus forcés d’accepter les termes du patronat s’ils ne veulent pas se retrouver au chômage, et cela même dans les nations industrialisées.
Selon la TUP, chacun a le droit de profiter du fruit de son travail ; de plus, chacun a le droit de gérer le produit de ses actions. Pour accomplir un tel but, la TUP envisage la création d’une économie décentralisée basée sur une gestion coopérative chaque fois que cela est faisable et pratique. Ces concepts seront analysés plus en profondeur au cours des chapitres suivants.
Une démocratie économique implique la planification du développement économique d’une région par ses habitants. Ce type de démocratie apporte une bien plus grande liberté que la démocratie politique, qui, malgré tout le bruit qu’elle occasionne, n’en n’est pas moins inefficace. En effet, dépourvue de démocratie économique, elle permet le drainage du pouvoir d’achat des travailleurs pour remplir les coffres déjà débordants d’un petit nombre de propriétaires du capital.
L’établissement d’une démocratie économique peut se faire si les quatre conditions suivantes sont remplies. Toutes les idées économiques de la TUP essaient de satisfaire ces conditions.
La première condition est la garantie du minimum vital pour tous les habitants d’une certaine région (ce point a été traité dans la partie précédente). Ceci augmentera le bien-être général en éliminant l’angoisse existentielle.
Deuxièmement, la population devrait avoir une capacité croissante d’acheter des biens et des services. Le revenu de chacun devrait constamment augmenter. Pour réaliser un tel objectif, il est important que les matières premières restent dans la région pour leur raffinage et la fabrication de produits industriels. L’introduction de nouvelles techniques de production et la découverte de nouvelles utilisations des ressources profiteront à la population locale plutôt qu’à des étrangers. De tels développements augmenteront le niveau de vie général, au lieu d’enrichir une petite sélection d’individus. Un tel système est à même d’apporter le plein emploi et d’accroître le niveau de vie d’une région.
La troisième condition pour l’établissement d’une démocratie économique est que les populations locales doivent être en mesure de prendre toutes les décisions concernant l’économie de leur région (il s’agit là de la création d’une économie décentralisée, de la manière abordée dans la partie suivante).
Enfin, le quatrième critère est que les gens extérieurs à la région ne doivent pas pouvoir s’immiscer dans les affaires de l’économie locale. Idéalement, ils ne pourront posséder aucune ressource, bien ou capital utilisé par la région. Une telle restriction pourra endiguer les sorties de capitaux dans chaque région, et ceux qui habitent à proximité d’une source de matières premières en deviendront les justes bénéficiaires et gérants.