Dogmes et spiritualité

En plus de l’exploitation matérielle, l’exploitation se fait également sentir à un niveau psychologique. Ainsi, un des plus grands obstacles au progrès humain est sans doute le dogme. Un dogme est une croyance ou une conviction que la rationalité a cessé de justifier. Profondément enracinés dans la psyché humaine, ces dogmes forment la base de la plupart des croyances de l’humanité. Leur nature contradictoire et irrationnelle a causé de gigantesques conflits et d’énormes souffrances. Pourtant, ils continuent d’être utilisés dans le monde entier, à des fins d’exploitation. Au nom de la spiritualité, des dirigeants religieux, commerciaux ou laïques permettent (consciemment ou non) à leurs croyances irrationnelles de diviser l’humanité. Ils leur arrivent d’encourager la crainte de Dieu, ou d’utiliser Dieu pour servir leurs propres intérêts. De même, le dogme de supériorité raciale, que la science n’a jamais réussi à prouver et que le bon sens le plus commun réfute, a causé d’énormes souffrances. Un autre dogme est celui de la supériorité des mâles. De telles croyances et superstitions sapent la vitalité intrinsèque de l’esprit humain et de la société.

Il n’y a pas si longtemps, en Europe et aux Etats-Unis, des femmes étaient brûlées vives au nom de dogmes religieux. En Inde, les femmes hindoues étaient forcées de rejoindre leur mari décédé sur le bûcher funéraire. Aujourd’hui, de manière moins ouvertement violente, nombre de disciples fanatiques continuent d’encourager une acceptation aveugle de leur doctrine. Il semblerait que les dogmes, bien que moins puissants à notre époque, hantent toujours les recoins de l’esprit humain. Ils sont seulement devenus plus subtils, s’adaptant au scepticisme croissant. Une des stratégies la plus habile et la plus ancienne en faveur du maintien des dogmes, est de déclarer la religion « hors de portée » de l’analyse rationnelle. Pourtant toute autorité religieuse vraiment progressiste se devrait d’encourager la discussion rationnelle et l’échange. Rappelons que c’est la nature des êtres humains de chercher l’absolu. Une telle quête ne peut aboutir par quelques rites et coutumes, et l’adhésion à des croyances non vérifiées par l’expérience personnelle.

Il est important de bien distinguer religion et spiritualité. Selon la TUP, la spiritualité représente la quête universelle des êtres humains, pour découvrir la nature de leur existence – leur relation avec le cosmos et la tranquille divinité intérieure. La religion apparaît quand la spiritualité devient une institution codifiée et limitée par des dogmes. Il est probable qu’aucun grand précepteur spirituel n’ait demandé à ses disciples de créer une religion en tant que telle. Cela se passe parfois des centaines d’années plus tard. Le noyau interne de la religion est la spiritualité, ce qui lui donne une qualité universelle. En sanskrit, la spiritualité est appelée « dharma », qui signifie littéralement « dessein inné ». C’est le « dessein inné » ou la nature des êtres humains que de se réaliser spirituellement. Il s’agit ici de la réalisation de nos potentialités les plus élevées.

Une partie intégrale de la transformation sociale envisagée par la TUP est de donner à tous la possibilité de cultiver la spiritualité au moyen de certaines pratiques (comme une méditation scientifiquement conçue pour le développement intégral des êtres humains). Une telle méditation étant 99% pratique, cela laisse peu de champ pour un dérapage dogmatique. Au contraire, la psyché de ceux qui pratiquent cette méditation développe la force de traverser le bourbier des dogmes. Cette science de l’intuition a été hautement cultivée au Tibet, en Inde, en Chine, au Japon et en d’autres endroits à d’autres époques, et elle constitue sans aucun doute la base des religions orientales et occidentales. Elle est dépourvue des pratiques purement rituelles et externes caractéristiques des religions.